Repère 1: Le bénéficiaire co-auteur de son parcours

Principe inscrit dans la loi 2002-2, la liberté de choix du bénéficiaire concernant les modalités de sa vie et de son parcours appelle des initiatives concrètes de la part des professionnels. Reconnaître la personne dans ce qu’elle veut être et lui donner tous les moyens d’y parvenir suppose en effet de mettre en place des modalités précises de recueil et de prise en compte de ses préférences et de ses difficultés.

1. Donner une réalité à la liberté de choix

1.1 Travailler dans le respect des droits et des choix du bénéficiaire

Les actions des professionnels, ponctuelles ou durables, prennent leur sens au regard des choix que le bénéficiaire fait à propos de sa propre vie. Le lieu où il souhaite demeurer, les rythmes et modes de vie qu’il souhaite adopter, les modes de communication qu’il privilégie, sont les premiers fondements des interventions qui lui sont proposées et dispensées, sous réserve des décisions de justice éventuelles.

Lorsque le bénéficiaire n’est pas en mesure d’exprimer des choix, les professionnels s’appuient sur la parole et l’expérience des proches ou du représentant légal. Dans ce cas précis, le bénéficiaire est néanmoins, de manière directe au sein de la structure, consulté et entendu. Lorsqu’elle s’avère nécessaire, une démarche de compréhension et d’analyse susceptible d’éclairer les professionnels sur ses préférences propres est également initiée.

1.2 Personnaliser l’accueil et accompagner l’intégration du bénéficiaire dans l’établissement

L’étape de l’accueil est capitale pour la réussite de l’accompagnement mis en place en faveur d’un bénéficiaire. Ce temps de l’accueil doit être l’occasion d’ouvrir pour la personne accueillie de nouvelles possibilités et de nouvelles perspectives.

Il est important de mettre en place d’un dispositif garant de la capacité d’écoute et de compréhension du bénéficiaire et de ses proches. Ce dispositif repose notamment sur une personnalisation de l’accueil, l’aménagement d’un espace préservé pour la rencontre, et l’accompagnement des bénéficiaires dans la durée pour que leur installation soit accompagnée jusqu’à ce que l’intégration soit effectivement réalisée.

Les modes de communication adaptés seront utilisés au sujet de l’accompagnement qui sera mis en œuvre pour que la liberté de choix et d’expression du bénéficiaire puisse trouver des occasions concrètes de s’exercer (pictogrammes, visualisation, cahier de communication…)

1.3 Entendre la parole du bénéficiaire et respecter sa légitimité

Le respect de l’autonomie du bénéficiaire suppose que les professionnels soient à l’écoute de ses besoins et de ses demandes. Ils mettent en place des modalités de fonctionnement permettant au bénéficiaire de s’exprimer librement sur ses souhaits, et donnent toute sa légitimité à cette parole. Cette parole n’est pas mise en doute, mais fait l’objet d’une compréhension adaptée.

Dans les situations de troubles du comportement ou du langage, les professionnels adoptent une démarche d’attention et d’analyse adaptée pour que les préférences que manifeste le bénéficiaire soient entendues et comprises. Le ressenti que le bénéficiaire a de sa propre situation peut parfois aller à l’encontre de la représentation que les professionnels se font de ce qui serait bon pour lui. Dans ce cas, les professionnels recherchent une solution qui prend en compte les aspirations du bénéficiaire le mieux possible.

Le respect du regard du bénéficiaire sur sa propre situation est associé à un travail d’accompagnement destiné à accroître son pouvoir d’action par un travail sur leur estime de soi et un accompagnement dans l’élaboration d’une image et d’une description d’eux-mêmes valorisantes, car celles-ci vont de pair avec la mise en œuvre d’une réelle autonomie dans la vie quotidienne. Cette démarche peut être construite à la faveur d’échanges ou d’activités spécifiques.

1.4 Développer les possibilités de relations de réciprocité entre les bénéficiaires et mettre en place une organisation limitant les occasions de dépendance

Des relations de réciprocité sont encouragées entre les bénéficiaires. Des actions ponctuelles ou durables permettant aux bénéficiaires de contribuer à la vie collective s’ils le souhaitent, de se rendre et de se sentir utiles et précieux aux yeux des autres et de développer une image positive d’eux-mêmes. Les goûts et talents spécifiques, leur capacité de manifester une empathie envers d’autres, leur expérience de vie, ont l’occasion de s’exprimer afin que, s’ils le souhaitent, ils puissent être non seulement récepteurs d’un service ou d’un accompagnement, mais aussi participants et contributeurs actifs au sein d’interactions individuelles.

L’organisation de l’accompagnement ne multiplie pas inutilement les occasions de dépendance des bénéficiaires à l’égard des professionnels là où ils pourraient exercer leur autonomie s’ils en avaient l’occasion, le temps et les moyens matériels.

1.5 Être attentif au refus et à la non-adhésion pour faire évoluer la situation de manière adaptée

L’accompagnement proposé par les professionnels peut, de manière ponctuelle ou durable, faire l’objet d’un refus de la part du bénéficiaire qu’il faut d’abord savoir identifier. Ce refus ou la non-adhésion doit systématiquement faire l’objet d’un questionnement de la part des professionnels qui y sont confrontés, afin qu’ils puissent y apporter la réponse la plus appropriée.

Ce refus appelle d’abord une analyse concernant les modalités par lesquelles la prestation ou l’intervention a été présentée au bénéficiaire, pour s’assurer qu’il ne provient pas d’une maladresse ou d’une violence à cette étape de la rencontre. Il appelle ensuite un travail de compréhension et d’adaptation des professionnels, afin qu’une prestation plus adaptée puisse être proposée, par exemple grâce à des aménagements d’horaires ou encore une modification d’activité pour mieux répondre à la sensibilité de la personne accueillie.

Le refus ponctuel (d’une activité ou d’une prestation spécifique) doit être pris en compte sans conditionner l’accompagnement d’une manière générale ni l’accès à d’autres activités, pour que ce refus demeure une possibilité effective et non fictive.

2. L’accompagnement de l’autonomie

2.1 Informer, premier support à l’autonomie

Conformément à la loi, le bénéficiaire (et/ou ses proches ou représentants légaux) est informé de l’ensemble de ses droits et des possibilités qui s’ouvrent à lui dans le cadre de son accompagnement.

Cette information est faite de manière adaptée et les professionnels s’assurent que l’information a été comprise. Une attention particulière est accordée à l’égard de toutes les formes de communication pertinentes pour répondre à des besoins spécifiques : accessibilité des informations, utilisation de supports adaptés aux déficiences particulières des personnes accueillies ou accompagnées, pictogrammes, visualisation, simplification des phrases…

2.2 Évaluer le risque et travailler à l’équilibre entre marge d’autonomie et marge d’incertitude

L’objectif de garantir la sécurité de la personne accueillie rentre parfois en contradiction avec l’objectif de promouvoir son autonomie. Un arbitrage entre les bénéfices et les risques des actions envisagées est réfléchi dans une perspective pluridisciplinaire et au cas par cas. Cet arbitrage est recherché dans l’esprit d’équilibre de la bienfaisance en veillant à associer la famille ou les proches à la décision de prise de risque le cas échéant.

Les professionnels sont sensibilisés à ce travail sur les marges d’autonomie et les marges d’incertitude par l’équipe de direction, pour que le respect des règles de sécurité en vigueur ne conduise pas à des restrictions de liberté inutiles ou injustifiées et pour que, autant que possible, la liberté reste la règle et la restriction de liberté, l’exception.

2.3 Prendre en compte le rythme de la personne et l’ensemble de ses besoins

L’adaptation au rythme de la personne est incontournable aussi bien en matière d’accompagnement quotidien que de parcours proposé. L’établissement propose des activités et des évolutions dans l’accompagnement en s’adaptant aux facultés de la personne, à leur développement éventuel (pour ne pas restreindre ses possibilités) ou à leur régression possible (pour ne pas forcer un changement de manière trop rapide, ou imposer une émancipation prématurée ou inadaptée, par exemple).

Les professionnels sont attentifs et réactifs tout aussi bien aux accélérations et capacités d’émancipation des personnes, qu’à leur possible ralentissement ou besoin de retour ponctuel à un accompagnement plus prononcé. Les professionnels interviennent dans des modalités de temps et de rythme marqués par leurs contraintes institutionnelles. Il est important que ces contraintes soient néanmoins périodiquement questionnées et ajustées autant que possible pour que l’ensemble des besoins de la personne soit pris en compte, et que les rythmes naturels dans sa vie quotidienne (cycles de sommeil, d’appétit, mais aussi besoins de contacts et d’interactions sociales, par exemple) soient respectés au mieux. Il est également important que les rythmes propres de la personne dans ses mouvements et sa vie quotidienne (temps du lever, de la toilette, par exemple) soient connus, respectés et pris en compte dans l’organisation du travail des professionnels.

2.4 Accompagner par la parole la réflexion et le parcours du bénéficiaire

Ne pas restreindre la personne à sa situation de fragilité, accompagner son développement et encourager son autonomie, nécessitent que les professionnels sachent accompagner par la parole les évolutions, prises de conscience ou moments de détresse des personnes accueillies.

Les propos critiques ou angoissés de la personne sur son parcours et la réflexion sur les événements douloureux passés ou à venir ont leur place au sein des échanges entre professionnels et bénéficiaires. Les professionnels sont formés, accompagnés et soutenus pour pouvoir accueillir ces moments de doute, de réflexion ou de détresse et ainsi, accompagner le bénéficiaire dans la maturation affective des étapes de son parcours ou de son expérience.

3. La communication individuelle et collective

3.1 Proposer aux bénéficiaires des occasions d’expression diversifiées

Le respect de l’autonomie a pour fondement l’écoute de la personne. L’établissement développe les occasions de disponibilité et d’écoute active envers les requêtes des bénéficiaires et de leurs proches. Cette disponibilité suppose d’avoir ancré chez les professionnels la conviction que, quel que soit son éloignement des normes de comportements habituellement en vigueur, quelle que soit la difficulté de compréhension qu’ils peuvent rencontrer, les bénéficiaires sont et demeurent des personnes qui s’expriment et doivent être rencontrées. Ceci appelle une grande faculté de compréhension et d’analyse chez les professionnels en contact avec les personnes manifestant des troubles du langage ou des troubles de comportement importants. Les professionnels sont informés et formés à cet effet.

Des possibilités d’expression diversifiées sont offertes aux bénéficiaires : temps privilégié d’un échange singulier au moment d’un jeu par exemple, ou échange non verbal à travers la participation à une activité, ou encore communication gestuelle ou avec support de pictogrammes si le langage fait défaut.

3.2 Créer dans l’établissement un environnement propice à la prise de parole individuelle ou collective

L’établissement aménage des espaces préservant l’intimité, suscite des occasions propices à l’échange et d’une manière générale, cultive une atmosphère favorable à la convivialité. Relèvent notamment de cette démarche le confort des locaux et l’aménagement en petites unités, le souci porté à maintenir une atmosphère calme et un environnement sonore, visuel et olfactif agréables. Des espaces et des lieux privilégiés permettant aux bénéficiaires d’échanger plus facilement avec leurs proches sont aussi prévus.

La communication collective est encouragée et recueillie grâce à toutes les formes de participation prévues par la loi (conseil de la vie sociale, conseil des hébergements, groupes d’expression…).

3.3 Communiquer jusqu’à la fin de vie

Le moment de la fin de vie est un temps dans la vie du bénéficiaire et de ses proches qui mérite une attention soutenue de la part des professionnels.

La communication entourant la personne et ses proches, sa chambre et son lieu de vie, est pensée au regard de cette situation, pour promouvoir le respect de l’intimité de la personne de manière extrêmement étendue. Une communication spécifique de la part des professionnels présents est recherchée, notamment une communication non-verbale si la nécessité s’en fait sentir.

Une hospitalité importante est également pensée à l’égard des proches, afin que les derniers instants de vie puissent être des instants d’échange si cela est possible, ou de simple présence.

4. Un projet d’accueil et d’accompagnement défini et évalué

Conformément à la loi 2002-2, un projet d’accueil et d’accompagnement pose les modalités d’accompagnement de la personne dans l’établissement. Inscrire cette obligation dans une démarche de bientraitance, c’est en retenir et en promouvoir à la fois la méthode participative et la révision ou l’adaptation régulière.

4.1 Fixer des objectifs précis dans le cadre du projet personnalisé

Après avoir posé un diagnostic sur la situation de la personne et ses besoins, le projet co-élaboré en partenariat par la personne accueillie, son représentant légal et l’établissement qui l’accueille et l’accompagne, fixe des objectifs précis aux actions des professionnels.

Sans chercher à parvenir nécessairement à des écrits complets ou exhaustifs, les professionnels s’attachent surtout à la démarche consistant à personnaliser la prestation le plus possible et s’accordent sur les modalités d’accompagnement qui semblent les plus pertinents et réalistes de part et d’autre. Le projet est validé, signé et remis à la personne. Il est accessible à tous les acteurs de la structure en lien avec la personne accueillie.

4.2 Fixer des modalités de mise en place et de suivi réalistes, respectueuses des capacités et des rythmes de la personne

Afin d’être suivi et ajusté le mieux possible, donc de se déployer de la manière la plus adaptée selon la situation de la personne et son évolution, le projet d’accueil et d’accompagnement mentionne explicitement des modalités de mise en place, de suivi et d’évaluation. Ces modalités permettent aux professionnels de s’assurer du bon déroulement du projet d’accueil et d’accompagnement.

4.3 Observer les effets positifs et négatifs des actions mises en place en faveur de la personne et effectuer en conséquence les ajustements nécessaires dans l’accompagnement

Un projet d’accueil et d’accompagnement construit à un moment donné du temps ne peut fixer de manière définitive les modalités d’intervention des professionnels, dans la mesure où la situation de la personne et ses besoins sont amenés à évoluer. Les actions mises en place font l’objet d’un suivi et d’une observation pour recueillir les impacts positifs ou négatifs que ces mesures induisent dans la vie, la santé et le développement du bénéficiaire.

Les observations des professionnels et celles de la personne ainsi que celles de son environnement relationnel le cas échéant, aboutissent à une co-évaluation de l’impact des actions mises en place et aux réajustements qui s’avèrent nécessaires pour qu’elles soient les plus respectueuses possibles des intérêts et des choix de la personne. Une attention particulière est accordée pour prendre en compte les expertises éventuelles posées par d’autres professionnels (centre de ressource Autisme, …) afin que l’ensemble des expertises sur la situation soient le mieux coordonné possible.

4.4 Être attentif à la durée et à la continuité du parcours de la personne

Parce que la sortie de la personne de la structure qui l’accueille et l’accompagne n’induit pas que tous ses repères soient retrouvés et que sa situation soit immédiatement stabilisée de manière satisfaisante pour elle, les professionnels réfléchissent avec elle   à toutes les mesures susceptibles de faciliter ce moment de transition. Ce moment étant considéré comme une étape du parcours à part entière, un travail en réseau des professionnels avec d’autres intervenants à l’extérieur est en particulier recherché, ainsi que des occasions concrètes de suivi et de communication.

Il est important que la personne puisse retrouver le soutien des professionnels qui l’ont accompagnée si elle en éprouve le besoin. La sortie, préparée et accompagnée par les professionnels, est réfléchie au regard des bénéfices ou au contraire des dommages qu’une durée de séjour trop courte ou trop longue peut amener dans le parcours de la personne, dans le cadre réglementaire.

Toutes les formes de dispositifs transitoires et intermédiaires entre l’institutionnalisation complète et la sortie définitive sont étudiées et mises à profit pour accroître les chances de la personne de retrouver une situation satisfaisante et pérenne pour lui après sa sortie de la structure.